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Une petite histoire de la folk afro-belge

 

Ma musique s'appelle folk afro-belge en écho aux fantômes de mes arrière-grands-pères.

     Georges Bowen était américain, d'origine africaine. Il a vécu toute sa vie dans l'Oklahoma. Présent en France avec l'armée américaine en 1917, il connu le grand amour dans les bras de Madeleine Perrin, jeune fille de l'est de la France, exilée par la guerre sur la côte ouest avec sa famille. On sait de lui qu'il jouait du piano et que dans cette guerre, pour toute arme il mania un couteau de commis de cuisine - on n'armait pas les noirs, alors dans cette armée. Après l'armistice, Georges fit jurer à sa bien aimée de le rejoindre avant d'embarquer à bord du Léviathan. Savait-il qu'elle portait son enfant ? Elle n'imagina pas, avant de le voir, que celui-ci puisse être d'une autre couleur que la sienne. Madeleine n'eu jamais le courage de traverser l'atlantique. Gerges, lui, ne cessa jamais d'écrire. Dans l'enveloppe, il glissait toujours quelques Louis pour l'enfant qu'il ne connaitrait jamais. Marcelle, ma grand-mère est née métisse en 1919, non loin du Chemin des Dames.


     Le Chevalier Charles van Eersel était l'unique héritier d'une riche famille de l'aristocratie belge. Établi près d'Aix en Provence, il épousa en 1923 l'italienne Marcella Lorenzato. L'année d'après naissait Léopold. Accompagnée de toute la famille de Marcella, tout trois quittèrent la Métropole pour l'Indochine en 1925. Là-bas, ils se consacrèrent à la culture de l’hévéa, arbre dont on tire le caoutchouc. De retour dans le Midi sept ans plus tard, Charles disparu, sans doute déjà supplanté par Marcel Jean, jeune amant et futur époux de celle qu’on appelait Marsou. Le petit Léopold, mon grand-père, avait huit ans alors. Il ne revit jamais son père, dont on sait qu'après avoir dilapidé sa fortune, il acheva son existence dans un couvent de la région d'Anvers dont il était devenu le jardinier.

     Venu à la chanson par Jacques Brel, chez moi la chanson française trimbale un accent qui n'est pas celui du Sud. Comme Brel, mes chansons sont hantées par la mort et l'enfance. La mort pour l’apprivoiser ; l’enfance pour la réinventer. Se souvenant l'enfant qu'il était, Brel disait qu'il ne comprenait pas "qu'on n'aille pas chercher l'herbe où elle pousse et qu'on s’obstine à  rester où il n'y a que des cailloux" Tout était dit là de mon propre vécu et c'est pourquoi son répertoire a tant résonné chez moi.

     Enfin, la notre d'enfance, avec mon frère Tom, s'est déroulée au son des K7 rapportées d'Afrique de l'Ouest par notre père. Les airs de Toto Guillaume et Tokoto Ashanti, de Fela ou Ray Lema formèrent la B.O. de nos premières années. Et puis nos voisins de palier étaient justement les Lema. Les fils de Ray, Ayei et Ansi furent nos plus proches amis. C'est à Ray que j'ai chanté mes premières compositions ; c'est de lui que j'ai reçu mes premiers encouragements. Lorsque vingt ans après, j'ai cherché une identité dans mes accompagnements de guitare, les arpèges et pickings qui me sont venus ont tout de suite sonné africain.

     Ai-je parlé de pickings ? J'oubliais ! C'est de la folk. Cette musique qui m'accompagne le plus intimement depuis l'adolescence. La folk vient d'Amérique, pays de Georges Bowen. La boucle est bouclée. Je chante de la folk, la folk afro-belge. 

 

 

 

 

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